Le génie créatif en bouteille

Jeune maison

Le génie créatif en bouteille

Être un buveur d’étiquettes peut être du meilleur goût, surtout quand elles empruntent aux plus grands artistes contemporains pour parer de grands vins et spiritueux. Pont des Arts le propose sans se ruiner.

Par Béatrice Brasseur

Thibault Pontallier et Arthur de Villepin, trentenaires, ont de l’aplomb dans les idées. L’un est passionné de vin, l’autre d’art. De leurs passions respectives, ils ont fait leurs métiers. Le fils du légendaire directeur de Château Margaux et le fils de l’ex-Premier ministre se sont associés et ont mis en commun leurs expertises et carnets d’adresses pour créer, à Hong Kong, Pont des Arts, une maison qui édite des collections œnologiques et esthétiques où absolument tout est questions de goûts. « Nous avons choisi notre nom d’après le fameux pont parisien qui relie l’Institut de France au Louvre. Il s’agit pour nous de mettre en correspondance le vin et l’art, l’Occident et l’Orient, et réunir néophytes et amateurs éclairés ».

Ainsi, des œuvres d’artistes mondialement célèbres – Zao Wou-Ki, Yue Minjun, Miquel Barceló, Yan Pei-Ming et Piet Mondrian – ornent les flacons de bordeaux, de bourgognes, de champagnes, de cognacs et d’armagnacs. Les bordeaux sont des assemblages des meilleures parcelles de la rive droite et de la rive gauche, sélectionnées par Thibault Pontallier chez quelques propriétaires amis. En Bourgogne, Pont des Arts travaille avec Étienne de Montille sur la sélection de premiers crus et grands crus, de même avec les maisons Péters et Vilmart en Champagne. « Nous travaillons sur de petits volumes très qualitatifs, indique Thibault Pontallier, et ne produisons jamais plus de mille bouteilles. »

((inter))

Éditions spéciales

Coup d’essai, coup de maître, le premier artiste à se prendre au jeu fut l’immense Zao Wou-Ki. « Lui-même était un pont entre l’Orient et l’Occident, né à Pékin, vivant en France, et un ami de la famille d’Arthur », précise Thibault. En effet, avec son père Dominique de Villepin, Arthur a ouvert en mars, à Hong Kong où il vit, une galerie d’art dont la première exposition est consacrée au peintre chinois disparu en 2013. Le second fut Yue Minjun, le troisième l’Espagnol Miquel Barceló : « D’une année sur l’autre, nous créons une rupture de style ou de continent. » Le vin induit le choix de l’artiste ou le contraire. « La puissance de la tête hilare peinte par Yue Minjun traversée par un serpent, Snake (2009), nous a donné l’idée d’un spiritueux, un cognac XO Fine Champagne Infinity, de la maison Godet. Yan Pei Ming, pour son œuvre Wild Game : Second Way of the Tigers (2014), voulait un grand blanc de Bourgogne, ce fut un chassagne-monrachet premier cru Abbaye de Morgeot 2014 de la Maison de Montille. La vague Gran Rebozo de Barceló (2001) nous a portés vers le choix d’un grand vin de Bordeaux sauvignon blanc 2013, plein de fraîcheur. Miquel trouvait notre logo trop sérieux. Pour son édition, il nous a proposé de le redessiner». Évidemment, les artistes (rémunérés en royalties) goûtent les crus et le choix de l’œuvre est soumis à leur accord.

Dans la dernière collection, sous le signe de Mondrian, trois vins : un champagne Pierre Péters (Réserve Perpétuelle, un grand cru blanc de blancs, un assemblage de millésimes de plus de 20 ans) qui arbore Bois près d’Oele (1908), une œuvre antérieure à la période abstraite du peintre ; un corton grand cru Les Maréchaudes 2015 de la Maison de Montille, produit en quantité très limitée, associé à une étude pointilliste de dune, Crest at Right (1909) ; et un pomerol, château La Conseillante 2016 arborant l’un des tableaux les plus connus de Mondrian, Composition II en rouge, bleu et jaune (1930) qui figure aussi sur le coffret de cette collection. Pont des Arts songe à étoffer son portefeuille avec un vin italien, un whisky japonais, plus de spiritueux… Le prochain opus sera un champagne avec l’artiste japonais Kohei Nawa.

Séduits, certains châteaux ont souhaité une édition spéciale comme La Conseillante pour une impériale de 2016 et Chêne Bleu pour un assemblage inédit. « C’est une plage de liberté pour les vignerons qui tentent à cette occasion quelque chose de spécial, d’inhabituel. » Pont des Arts créé aussi des éditions sur mesure comme ces 250 bouteilles de whisky Macallan à partir d’une barrique de 1989 sourcée par la maison qui a aussi fait designer la carafe par un cristallier italien. « L’art et le vin sont de formidables ice breakers, assure Thibault. Pour l’un comme pour l’autre, on peut en rester à la technique… C’est dommage, on est tellement plus riches quand on laisse parler ses émotions. Moi, je viens d’une famille où l’on fait du vin depuis cinq-cents ans. J’avais envie de liberté et de nouveauté… »

((notes))

pontdesarts-wines.com