019- Louis Aragon, Elsa Triolet et l'écriture
April 15, 2023•650 words
Dans ma jeunesse j’ai toujours tenu en admiration le couple mythique formé par Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. J’ai d’ailleurs lu l’intégralité des mémoires de celle-ci, me gavant du récit des relations - souvent ambiguës - qu’elle entretenait avec Sartre. J’en discutais d’ailleurs souvent avec François Mongeau alias Sinclair Dumontais, bien que cet ami préférait nettement plus Albert Camus qu’il admirait, qu’il jugeait supérieur à Jean-Paul Sartre et que, surtout, il avait pris pour modèle dans ses propres écrits. Mais que savions-nous d’un autre couple, aussi mythique que celui de Sartre-Beauvoir, voire même davantage : Louis Aragon et Elsa Triolet.
Je regrette d'avouer que je n’avais jamais lu Louis Aragon jusqu'à tout récemment, à l’exception des ses premiers romans publiés dans La Pléiade. L'année dernière, j’ai débuté la lecture de son roman le plus célèbre en plusieurs volumes : Le Monde réel. Après Les cloches de Bâle, je commence aujourd’hui même Les beaux quartiers. Si ça vous intéresse, je vous invite à lire le compte rendu que j'ai rédigé des Cloches, de Bâle, un roman dont j'ai apprécié la très grande beauté.
Quant à Elsa Triolet, je n’ai jamais lu une ligne d’elle. En revanche, je connais bien les poèmes que Louis Aragon a écrit à son intention, notamment parce que je suis familier des chansons de Jean Ferrat depuis ma première jeunesse. Mais d’elle, je ne sais rien, absolument rien. Je vais donc entreprendre de la lire dans les mois à venir. Il n’est jamais trop tard pour combler ses lacunes. Jamais. Dans les mémoires de Simone de Beauvoir, je me souviens qu’elle parlait parfois de Louis Aragon, mais ce n’était jamais en bons termes qu'elle le faisait. Je ne saurais retrouver ces passages, mais ce dont je suis sûr c’est qu’elle le dénigrait, notamment en raison de son adhésion au Parti communiste français. Peut-être que la lecture de Simone de Beauvoir a influencé mes penchants littéraires de manière à ce que je n’ai jamais manifesté la moindre curiosité pour Louis Aragon et Elsa Triolet. Malheureusement, nos lectures de jeunesse, même si elles nous ouvrent l'esprit, obstruent souvent d'autres avenues qui auraient pu nous conduire vers d'autres aventures intellectuelles.
Dans ma jeunesse, je dirais entre vingt et trente ans, je rêvais de devenir quelqu’un, notamment par l’écriture de nouvelles, de romans, d’essais. Et pourtant je n’ai pas écrit - sauf peut-être cette dramatique télévisée en collaboration avec Pierre Serge Gagnon, et quelques ouvrages mineurs publiés chez ÉLP éditeur, une maison d'édition que j'ai moi-même fondée avec des amis. Nous voulions faire de grandes choses, lui et moi. Nous le voulions… mais nous avons échoué. Il s’est lancé en affaires et, de ce point de vue, il a plutôt bien réussi sa vie professionnelle. Mais je suis convaincu que le sentiment de l’échec, de la médiocrité, n’est pas tout à fait étranger à sa fin prématurée. Moi aussi, j’ai partiellement réussi. J’ai obtenu un poste envié dans mon champ de compétences et j’ai enseigné à l'étranger (à Genève, entre autres) mais, au fond de moi, je sais bien que je vieillis dans la médiocrité. Je suis à des kilomètres de la vie que j’aurais voulu vivre. Et, au moment de mourir, je n’aurais laissé aucun écrit digne de ce nom. Même chose pour Sinclair Dumontais, qui s’est marié trop tôt, qui a fait des enfants trop tôt aussi, et que, malgré quelques romans publiés ici et là, a ressenti l’échec de sa vie au point de ne plus chercher à laisser sa marque dans ce monde. Il s’est suicidé trois ans après Pierre Serge.
Contrairement à ces deux amis, je suis toujours ce de monde, écrivant mes cinq cents mots par jour, sans que je sache trop pourquoi. Ça me procure un certain plaisir, sans doute. Et je dois reconnaître qu'écrire sans rien attendre de rien ni de personne a quelque chose de rassurant, de presque zen, au fond.