008- Pourquoi écrit-on quand on n'est pas un auteur reconnu ?
September 30, 2023•522 words
Je n'ai pas envie d'écrire sur mes états d'âme aujourd'hui. Ça n'intéresse personne. En revanche, je ne peux pas faire l'économie de ma finitude, de ma mort qui approche à grands pas, dans un horizon de onze (77 ans) à quinze ans (81 ans). Je me souviens comme si c'était hier de mon séjour à Genève qui remonte déjà à plus de vingt ans. Force est de constater que je n'ai plus rien devant, si ce n'est de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour maintenir mon esprit en alerte pendant que mon corps décline. C'est la seule mission que je peux me donner. Je ne sauverai pas le monde, je ne laisserai probablement rien aux générations subséquentes, je ne remporterai pas le prix Nobel de littérature, mais la créativité, le seul fait de rédiger un texte et de le mettre en ligne me procure une certaine satisfaction, un léger bonheur, quoi. Bref, la création me rend heureux. Je sais bien que je ne suis pas lu par des milliers de personnes. Quelques centaines tout au plus et ce, pour certains billets seulement. Néanmoins, je pense à ceux qui me lisent, si peu nombreux soient-ils, et me dit que j'entre en communion avec eux.
Récemment, l'auteur et blogueur Thierry Crouzet se demandait pourquoi il écrivait encore alors que, en vieillissant, il constatait qu'il était moins lu, que son succès n'était plus le même qu'à ses débuts. Vous pouvez lire ce billet sur son site ici :
Dans ce billet, il dresse une liste sans fin des raisons qui le motivent à écrire. Retenons simplement les trois premières :
- Pour ne pas affronter le vide et le silence ;
- Pour me persuader que je ne suis pas seul puisque des lecteurs existent ;
- Pour me sentir bien.
Ce début de liste correspond parfaitement bien à mes pensées alors que je ne saurais me comparer à cet homme que je ne connais ni de près ni de loin. Mais c'est ce qu'on appelle la communion, le fait qu'un auteur et un lecteur se rejoignent sur un certain terrain pendant un certain temps, même s'ils ne sont pas de la même génération, ni du même pays.
Écrire chaque jour comme je le fais permet de combler un certain vide. J'ignore si c'est un signe de santé mentale ou celui d'une conscience aiguë de l'existence et de sa temporalité. L'être et le temps, n'est-ce pas le titre du sublime essai de Martin Heidegger que personne ne lit? Le coeur du mystère de la vie humaine se retrouve dans ces deux concepts : ce que nous sommes, ce qui s'agite au fond de nous - notre être -, et le temps qui s'écoule, anéantissant toutes choses. Écrire chaque jour permet donc à notre être de se manifester dans le temps. Et le fait de le faire comble une partie de notre vide, représentant un pas vers la plénitude.
Écrire, donc, pour être heureux et se dire, comme l'évangéliste Jean dans sa première épître : "Tout ceci, nous vous l'écrivons pour que notre joie soit complète." (Jean, 1, 4).
Mai 2023