012- Parler français : trois mots anglais à consonnance anglaise

Il est facile de dénoncer un jeune qui place un ou deux mots anglais dans une phrase. Si vous avez remarqué, c'est ce type d'erreurs que cible la publicité gouvernementale. À mon avis, ponctuer une phrase de mots étrangers relève davantage d'un effet de mode que d'une méconnaissance de la langue française. Vous n'avez qu'à vous rendre en France pour le constater. Non, placer un mot anglais ici et là ce n'est pas aussi grave qu'on le laisse entendre. Par ailleurs, la situation s'avérait beaucoup plus catastrophique dans les années 1970 parce qu'en ce temps-là on ignorait les mots français correspondant aux termes employés pour désigner certaines choses, notamment dans le secteur de l'automobile : le volant, le pare-brise, le pare-chocs, etc. Moi qui ai travaillé dans une station-service pendant plusieurs années, je parle en connaissance de cause.

S'il est un jeu d'enfant de dépister des mots anglais mis à tort dans une phrase en français, il s'avère beaucoup plus difficile de repérer des mots français qui, dans les faits, relèvent de la langue anglaise. Cet usage met davantage en péril la langue française que l'emploi d'un mot anglais dans une phrase. Pourquoi ? Parce que ces fautes s'attaquent au sens même des mots et ont pour effet de semer la confusion, nuisant par le fait même à l'intercompréhension entre les individus.

Ces mots anglais à consonance française sont ce qu'on appelle des faux-amis, c'est-à-dire des mots ayant la même forme mais dont la signification est différente. En voici trois exemples assez courants :

Récemment, le chef du Parti libéral du Québec a déclaré à un journaliste : "J'assume que ces gens-là ne savent pas vraiment ce qu'ils font". Il a employé le mot anglais assume en français, comme s'il avait le même sens. Or, je ne vous apprendrai rien en vous disant qu'il fallait employer suppose ou présume, et non assume. Si on ne corrige pas très tôt ce genre d'erreur, on finit par dire assume à tout propos, ce qui a pour conséquence d'entraîner une confusion de sens. Or, il est nécessaire que la précision d'une langue soit préservée afin qu'elle exprime notre pensée de manière non équivoque. Si la langue manque de précision, la pensée en manquera aussi parce que, jusqu'à preuve du contraire, on recourt aux mots pour exprimer notre pensée.

Le deuxième exemple est le mot support qu'on utilise à la place de soutien ou d'appui. Quand vous souhaitez formuler une demande de financement pour un organisme, vous devriez obtenir des lettres d'appui de certains partenaires, et non des lettres de support. Quand vous remerciez vos fans après un match de hockey, vous ne devriez pas dire : "Merci pour votre support". Sinon, vous ne savez plus quoi penser quand votre amie vous dit qu'elle a de plus en plus de mal à vous supporter... Est-ce qu'elle vous supporte dans le sens qu'elle vous tolère ? Ou est-ce qu'elle vous supporte dans le sens qu'elle vous soutient parce que vous traversez une période difficile ? Malheureusement, le mot support est repris aujourd'hui par les politiciens, par certains journalistes, par un peu tout le monde. Il y a peu, un collègue à qui je déconseillais l'usage de ce mot m'a dit que l'usage faisait la langue... Dans ces conditions, le mal est peut-être irréversible... et notre chère langue française, celle pour laquelle on se bat, vient d'hériter d'une confusion de plus.

Le troisième exemple est plus trivial, je le reconnais. Il réfère au mot excité qui a une connotation nettement sexuelle en français. L'autre jour, à la radio de Radio-Canada, la ministre Chrystia Freeman, parlant de Justin Trudeau, a dit qu'il était très excité. Certes, elle voulait laisser entendre que, même après plusieurs années au pouvoir, le Premier ministre du Canada était toujours aussi enthousiaste. Il y a deux ou trois ans, je me souviens, la ministre de la Culture du Québec a déclaré qu'elle était très excitée à l'idée de présenter son nouveau programme... Dommage que personne ne lui ait dit qu'en français, à moins d'être un enfant de quatre ans, on est excité quand on a envie de baiser, pas quand on souhaite présenter une politique...

Même s'il est parfois difficile de reprendre les autres quand ils emploient ces mots devant vous, au moins faites l'effort d'éviter vous-même leur emploi. Et peut-être qu'on vous imitera... ou peut-être pas !

Mai 2023


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