Les profits ne causent pas l'inflation

Le fardeau économique de l'inflation continue de ravager les économies du monde entier. Des États-Unis au Royaume-Uni, en passant par la zone Euro, les gens se rendent compte que l'argent dans leur portefeuille et sur leur compte bancaire ne leur permet pas d'acheter autant que les mois précédents. Comme pour tout problème, tout le monde est à la recherche de trois choses : des stratégies, des solutions et des boucs émissaires.

Un des boucs émissaires sur lequel la faute est régulièrement rejetée est le bénéfice des entreprises. Les entreprises sont accusées d'augmenter leurs prix, ce qui crée de l'inflation - ou du moins y contribue - et nous apprauvrit donc tous. Ces prix plus élevés gonflent leur marge bénéficiaire et les entreprises se rient de nous, plébéiens impuissants. La solution à leur imprudente avidité ? Restreindre les prix que les entreprises imposent ou les profits qu'elles amassent.

Cette opinion n'est pas limitée à la personne moyenne. L'Institut de politique économique (IPE), un groupe de réflexion à but non lucratif, affirme que les profits contribuent à l'inflation de manière "disproportionnée". Bloomberg rapporte que les bénéfices d'entreprise ont atteint leurs plus hauts taux depuis les années 1950, et la Réserve fédérale de New York a même publié un rapport sur la question. Comme ces écrits le montrent, cette opinion est partagée par des institutions sérieuses et semble être étayée par des données empiriques.

Néanmois, les bénéfices d'entreprise ne sont pas la cause de l'inflation. Il est facile de le démontrer en réfléchissant un instant aux conséquences de la montée des prix pour une entreprise. Des prix plus élevées signifient que les consommateurs ont moins d'argent dans la poche après avoir payé pour un bien ou un service. Cela signifie par ailleurs qu'ils ont moins d'argent à dépenser pour acheter d'autres biens ou services. Cependant, en période inflationniste, les prix de tous les biens et services augmentent.

Si les consommateurs ont moins d'argent à dépenser en raison d'une montée des prix, comment cela est-il possible ? L'augmentation d'un seul prix signifie qu'il y a moins d'argent à dépenser, mais une hausse générale des prix nécessite plus d'argent à dépenser ! L'augmentation des prix par les entreprises peut expliquer la montée de prix uniques, mais elle ne peut pas expliquer une hausse générale des prix qui caractérise l'inflation.

Si la cause de l'inflation ne peut pas être attribuée à l'avarice des hommes d'affaire, à quoi donc peut-elle être attribuée ? La seule chose capable d'engendrer une hausse générale des prix dans une économie est une augmentation de la masse monétaire. Comme indiqué ci-dessus, une hausse générale des prix nécessite qu'il y ait plus d'argent à dépenser. La seule façon d'y parvenir est d'avoir plus d'argent en circulation. Une augmentation de la masse monétaire signifie que les individus ont plus d'argent à dépenser qu'auparavant, et ils choisissent donc de dépenser cet excédent d'argent. Les entreprises perçoivent une augmentation de la demande et élèvent leurs prix en fonction de celle-ci. Lorsque de plus en plus d'entreprises perçoivent une augmentation de la demande, les prix augmentent partout en conséquence - c'est ce qu'on appelle l'inflation.

Cela décharge les entreprises toute responsabilité concernant l'inflation, mais comment peut-on alors expliquer le lien entre inflation et profits ? Après tout, il semble y avoir une corrélation entre les deux, aussi infime soit elle. Est-ce une coïncidence ou existe-t-il une autre cause pouvant expliquer ce lien positif entre les deux ?

La raison qui explique une hausse des profits en période inflationniste est simple : tous les prix n'augmentent pas en même temps au même endroit. Lorsque de l'argent nouveau entre en circulation, il se retrouve tout d'abord entre les mains d'individus soigneusement sélectionnés. Les premiers à recevoir l'argent fraîchement émis le dépensent, plaçant ainsi le nouvel argent dans les mains d'autres individus qui le dépensent à leur tour, etc. Le fait que ces bénéficiaires détiennent cet argent nouvellement créé en premier signifie qu'ils ont plus de revenus qu'ils n'en auraient eu autrement et peuvent désormais acquérir plus de biens. Ces biens qu'ils acquièrent verront leur prix augmenter, les biens que les seconds bénéficiaires acquièrent avec ce nouvel argent verront également leur prix augmenter et ainsi de suite au fur et à mesure que cet argent ruisselle dans l'économie, poussant ainsi tous les prix à la hausse.

Si tous les prix n'augmentent pas d'un coup, lesquels ont le plus de chance d'augmenter en premier ? Parce que la majorité de ce nouvel argent sera dépensé dans les biens de consommation et les services (contrairement aux entreprises qui l'utilisent pour couvrir leurs coûts), l'augmentation des prix affectera tout d'abord les biens de consommation déjà disponibles sur le marché. Au fur et à mesure que les entreprises répondent à la hausse des prix, il y a une augmentation de la demande des moyens de production pour fabriquer ces biens, ce qui engendre par la suite une hausse du prix de ces mêmes biens. Toutefois, les entreprises ne répondent pas à cette demande instantanément, il y a donc un délai entre la hausse du prix des biens de consommation déjà disponibles et celle des biens produits par les entreprises en réponse à la hausse de la demande.

Que se passe-t-il lorsque le prix des biens d'une entreprise augmentent mais que leurs coûts de production ne changent pas ? Les bénéfices totaux augmentent. Ce n'est pas parce que les entreprises forcent les consommateurs à payer plus cher ou utilisent l'inflation comme excuse pour faire payer les consommateurs toujours plus, mais parce que l'inflation a poussé les prix de certains biens à la hausse avant d'autres, ce qui résulte en une plus grande rentabilité pour les entreprises sur le court terme.

Cette rentrée d'argent imprévue est clairement avantageuse pour les entreprises, mais elle peut également être dangereuse. L'inflation a pour effet de fausser les calculs et d'induire les hommes d'affaires en erreur en leur faisant croire qu'ils sont plus riches qu'ils ne le sont réellement. Ludwig von Mises a abordé ce phénomène dans "L'Action humaine, traité d'économie" :

"Ce serait une erreur sérieuse de négliger le fait que l'inflation génère également des forces qui poussent à la consommation de capital. Une de ses conséquences est qu'elle fausse les comptes et les calculs économiques. Elle produit le phénomène de profits imaginaires ou d'apparence. Si les quotas de dévalorisation annuelle sont déterminés de manière telle qu'ils ne tiennent que peu du compte que le coût de remplacement des équipements usés sera plus élevé que leur coût d'achat initial, ils sont alors insuffisants. Si en vendant des stocks et des produits la différence entre le prix d'acquisition et le prix de vente est enregistrée comme étant positive, l'erreur est la même... [Les hommes d'affaires] pensent avoir de la chance et se sentent alors d'humeur généreuse, ils dépensent et profitent de la vie. Ils embellissent leur maison, font construire de nouvelles demeures et soutiennent le secteur du divertissement. En dépensant leurs profits apparents, le résultat fantaisiste de calculs faussés, ils consomment du capital."

La conséquence de cela est qu'une fois que la réalité s'installe et que les hommes d'affaires se rendent compte que leurs profits n'étaient qu'illusoires, il est déjà trop tard. Ils ont consommé bien au-delà de leurs moyens et sont en conséquence moins riches qu'auparavant. Ainsi, même si l'inflation leur a permis de bénéficier d'une aubaine temporaire, cela peut finir par leur nuire bien plus que cela ne les a aidés.

Doit-on imputer la faute aux entreprises pour l'inflation ? Pas du tout. Une entreprise ne peut pas manipuler les prix selon son bon vouloir, elle ne peut que fixer un prix que le marché est prêt à payer. À la place, la faute ne peut être imputée qu'à l'entité qui contrôle la masse monétaire : la Réserve fédérale. Toute l'agitation et l'amertume accumulées au cours des deux dernières années en raison de sa mauvaise gestion monétaire ne devraient qu'être exclusivement dirigées contre elle.

Pour détruire une mauvaise herbe, il faut la déraciner. Les racines des troubles monétaires contemporains pointent toutes vers cette institution gangrénée qu'est la banque centrale. Si l'on désire une solution permanente au problème de l'inflation, c'est le contrôle de la masse monétaire par l'État qu'il faut déraciner une fois pour toute.


Article original : https://mises.org/wire/profits-do-not-cause-inflation-no-matter-what-progressives-claim

Auteur : J.W. Rich (@thejwrich)

Date de parution : 10 octobre 2022


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