Racines croisées #2 | Sur ce plateau-là…

RACINES CROISÉES | FEUILLETON FAMILIAL

Il n’est qu’un seul point fixe où l’homme soit vraiment lié, ailleurs il passe. Bernard Charbonneau, Le Jardin de Babylone.

Précaution d’usage : Tout ici est imaginaire, surtout le réel. [Avis aux férus d’histoire et de généalogie]

Deuxième épisode : Sur ce plateau-là…

Il ne m'est plus possible d'évoquer Vailly [voir l'épisode précédent] sans être hanté par le Chemin-des-Dames, au nom pourtant si doux. Vailly, tout juste au-dessous. Là où la guerre – La Grande Guerre !!! – pendant quatre ans s'établit là un front permanent – c'est la Zone Rouge. 200 000 morts au bas mot sur quelques petites dizaines de km², et pour la plupart en une seule offensive, catastrophique, celle du général Nivelle – un record mondial, si j'en crois le géographe Pierre George.

Et j'écris LÀ – loin certes, mais toujours là. Il fut aussi un jour, tout juste un siècle après, où je photographiai là, en cette saison, en ce même automne, dans un pli du plateau, à Folemprise – folle emprise ! – un gigantesque tas de betteraves, en attente du transport vers l'usine à sucre. Non, non, pas un tas de betteraves, un tas de crânes ! Oui, ce que j'ai vu, ce que je n'ai que vu, saisissant l'instant, c'était des crânes, des crânes… Puis seulement ensuite se dessinèrent les betteraves… à travers ces crânes. Désormais dans mon œil, au tréfonds, pour toujours, un monceau de crânes.

Au fil d'un blog aujourd'hui disparu, en 2010, puis en 2015, à l'occasion de ces jours de mémoire de novembre, je publiai deux petits textes que je reprends ici, mis à jour dans l'humeur du moment, pensant aux miens tombés là [1]… Mais ils sont tous miens !

JOUR DES MORTS, SUR CE PLATEAU-LÀ...

En ce jour des morts vrais, ceux qui sont morts là.
Au gré de quatre années d’abominable boucherie.

Dire ces morts vrais à travers de maigres mots.
Dire ces hommes, comme des bœufs à l’abattoir, menés.

Entendre, entendre toujours, de cette terre mienne,
renaître les râles qui s’en sont allés,
les râles de ces hommes-là.

Là. Quand toute vie s’éteint, là,
et que seul, allez savoir comment,
que seul un rossignol s'égosille. [2]
Que reste-t-il de tout cela ?

À ces morts-là, mes morts vrais, sur ce plateau-là.
Mais qui, mais qui, resurgira de là ?

LE PLATEAU DU CHEMIN-DES-DAMES [EN TEMPS DE PAIX]

Quelque cent ans après…
Dans la paix des champs
Tout simplement
À ceux qui sont tombés là
Allemands, Britanniques, Français, Italiens… [3]
Tous unis dans cette mort-là.

VincentSteven

11, 12 et 13 Novembre (2010, 2015, 2025…)

[1] Les miens… et ceux des autres. Quand j'évoque cela avec ceux de ma génération, j'entends souvent dire : un de mes grands-pères, un de mes grands-oncles, est tombé là.
[2] Je reviendrai sur ce rossignol-là.
[3] On n'oubliera pas les "coloniaux" de toutes les Afrique et Asie de l'Empire français qui payèrent un lourd tribu à leur sous-appartenance à la Nation, de même que du côté britannique, Canadiens et Néo-Zélandais du Commonwealth furent amplement mis à contribution.

À suivre…

Épisode #2, mis en ligne le 13/11/2025

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