Racines croisées #4 | Jour de fête
November 17, 2025•603 words
RACINES CROISÉES | FEUILLETON FAMILIAL
Il n’est qu’un seul point fixe où l’homme soit vraiment lié, ailleurs il passe. Bernard Charbonneau, Le Jardin de Babylone.
Précaution d’usage : Tout ici est imaginaire, surtout le réel. [Avis aux férus d’histoire et de généalogie]
Quatrième épisode : Jour de fête
Qui a vu et garde en mémoire le film – inoubliable – de Jacques Tati, sorti en 1949 [1], aura le décor et l'ambiance d'un de ces jours de fête que connaissait naguère toute bourgade et qui perdure ici et là. À côté de la fête patronale, annuelle, il y avait la litanie des fêtes du calendrier, dont certains jours fériés, et de manifestations plus locales ou régionales telles que la Saint Nicolas, dans le nord et l'est de la France. Plus récemment se sont ajoutées des fêtes thématiques, fête des mères, fête de pères… Mais toute fête reconnue ne crée pas pour autant son jour de fête. Rituel religieux, rituel civil, au premier, notamment Pâques et Noël, au second, le 14 juillet, bien évidemment, en France.
TOUCHE PAS À MON 14 JUILLET
Jour de fête, jour sacré. Il me revient qu'enfant – avais-je 6, 7 ou 8 ans ? –, c'était un jour de fête, et ce ne pouvait être qu'un 14 juillet car c'était l'époque des moissons, tant dans la plaine que sur le plateau du Chemin-des-Dames [voir les deux épisodes précédents]. Mon bourrelier-sellier de grand-père était fortement sollicité car, outre les attelages, les tracteurs étant déjà là, il y avait les moissonneuses mécaniques qu'il fallait entretenir, combinaisons complexes de courroies de cuir fortement sollicitées. Mais, ouf, tout allait bien en ce jour de fête nationale, où l'on avait invité, en ce bel été, les familles, tant du Nord que de la région parisienne, logeant au choix dans l'un des deux hôtels-restaurants voisins, et concurrents, "Le Cheval d'Or" et "Le Cheval Blanc" ; la maison trop exiguë n'offrant qu'une ou deux modestes chambres.
Tout allait bien, le grand-père reprenait souffle, installé sur la terrasse de fortune que "La Cheval d'Or" avait ouverte, en face, devant le monument aux morts, par défaut de place sur son trottoir adjacent. Tout allait bien, les hommes échangeaient entre eux, offrant à tour de rôle, tournée de pernod, du "45", sur tournée de pernod. Les femmes papotaient, sirotant un porto, ma grand-mère au centre, pour une fois dégagée des obligations de cuisine. Jour de fête oblige, et manque de place à la maison, on avait réservé une grande table au restaurant de l'hôtel. Les enfants jouaient entre les tables, les chaises, les tilleuls environnants. Tout allait bien.
Catastrophe ! Un fermier arrive, tout excité, cherche, demande le grand-père : il faut aller de toute urgence à La Royère, sur le plateau, la moissonneuse-batteuse-lieuse est en panne, la courroie principale de transmission a cédé. Il faut la réparer ou la changer. La moisson bat son plein, on ne peut attendre demain…
Le grand-père se lève blême, se tait, balbutie, rugit : "Ah non ! Pas le 14 juillet !" … Et puis, il faut bien monter là-haut sur le plateau… comme en 14. Tant pis… Et pour une fois, la réparation effectuée, on retournera au restaurant le soir, pour dîner.
"Saint Vincent dans tous ses états", nous y viendrons à l'épisode suivant.
VincentSteven
[1] Avis aux amateurs-trices, "Jour de fête" est visionnable ☛ ICI [vidéothèque personnelle, entrer le code : tati] dans sa version couleur reconstituée, 79 minutes.
À suivre…
Épisode #4, mis en ligne le 17/11/2025