« Comment l’enseignement de la seconde guerre mondiale a-t-il évolué depuis soixante-quinze ans en France et dans le canton de Vaud ? »

Dans une tribune du « Le Monde de l'éducation » datant du 29 juin, Bertrand Lécureur, chargé de conservation et de recherche au Musée national de l’éducation (Munae), raconte comment l’exposé de la Seconde guerre mondiale a évolué depuis 1945. Nous vous proposons de mettre les éléments de cette tribune en regard de la situation dans le cadre scolaire vaudois.

Afin d'appréhender les changements didactiques, les instructions officielles apportent, pour Bertrand Lécureur, les meilleures informations, de même que le contenu illustré des manuels d'histoire. Ces derniers permettent aussi d'appréhender le renouvellement des démarches pédagogiques, également reflété par les travaux d'élèves réalisés au fil des années. Pour notre part, nous nous appuyons principalement sur les manuels d'histoire utilisés dans le canton de Vaud ainsi que sur les programmes scolaires lorsque nous y avons eu accès.

Maquette du camp d'Auschwitz, réalisée par des élèves de 3e du collège de Pavilly \(Seine-Maritime\) en 2015-2016. Maquette du camp d'Auschwitz, réalisée par des élèves de 3e du collège de Pavilly (Seine-Maritime) en 2015-2016.

Une lente intégration du conflit dans les programmes

Très rapidement après la fin du conflit, cet enseignement apparaît en fin de cycle primaire. Dès l'automne 1944, des enseignants entreprennent de faire raconter ou dessiner à leurs élèves leur quotidien, de 1940 jusqu'au départ de l'occupant.

Il faut attendre les années 1960 pour que la seconde guerre mondiale soit officiellement intégrée dans les programmes de l'enseignement secondaire, en 1re ou terminale d'abord, puis en 3e. A partir de 1961, le Concours national de la Résistance et de la déportation, qui existe encore aujourd'hui, est également proposé aux élèves des collèges et lycées, tandis que les visites scolaires de lieux de mémoire ou les projections thématiques dans les ciné-clubs se multiplient.

Certains éléments contenus dans les manuels scolaires viennent contredire la doxa historiographique de forte héroïsation de la Résistance et d'amnésie complète au sujet de la collaboration ou du sort spécifique des juifs. Une autre singularité méconnue de cette période réside dans les échanges franco-allemands intenses sur l'enseignement de la période 1939-1945, à l'initiative de l'Association des professeurs d'histoire-géographie et du Georg-Eckert-Institut de Brunswick.

La parole des témoins

A partir de 1980, l'enseignement de l'histoire dans son ensemble va connaître de profonds bouleversements liés aux critiques formulées à son égard par l'historien Alain Decaux. Concernant la seconde guerre mondiale plus particulièrement, les effets conjugués de travaux scientifiques novateurs, du nombre croissant d'études sur le génocide des juifs, qui viennent répondre à l'offensive négationniste, mais aussi de l'impact de certains films enrichissent le contenu des manuels et le discours des professeurs, familiarisent les élèves avec ce sujet.

Dans les années 2000, l'enseignement de la seconde guerre mondiale s'est trouvé à plusieurs reprises sous les feux de l'actualité avec les polémiques liées à la demande officielle de lecture aux élèves de la lettre de Guy Môquet, en 2007 puis l'année suivante, avec la proposition de confier à chaque élève de CM2 l'entretien de la mémoire d'un enfant juif victime du génocide. Régulièrement, les médias relaient des controverses sur les difficultés de l'enseignement de la Shoah, remis en cause dans certains établissements, qui viennent surtout rappeler toute la diversité des situaltions scolaires et le risque de les généraliser ou de les schématiser trop rapidement.

L'apport du numérique

Dans la dernière partie de sa tribune, Bertrand Lécureur met en avant des projets menés en classe depuis une dizaine d'années avec des élèves à l'aide du numérique. Ces travaux mettent en avant la vie quotidienne durant la guerre, le profil de toutes les victimes ou encore les grands débats sur les responsabilités publique ou individuelle dans le conflit.

A mon avis, ces projets illustrent les possibilités offertes par le numérique aux enseignant•es pour s'émanciper des contenus des manuels scolaires, voire des programmes officiels. Certains des ces projets sont aussi soutenus par des partenaires institutionnels. Il en est ainsi des récentes productions d'élèves des collèges Georges-Braque et Boieldieu de Rouen où les élèves ont été invités à travailler sur un massacre oublié, le 9 juin 1940 dans la ville, à l'arrivée de l'armée allemande. Les victimes furent des soldats français d'origine africaine et quelques infortunés civils, dont le seul tort était leur couleur de peau.

Production des élèves de 3e des collèges Boëldieu et Georges-Braque de Rouen, en lien avec la mémoire des soldats africains massacrés le 9 juin 1940.
Production des élèves de 3e des collèges Boëldieu et Georges-Braque de Rouen, en lien avec la mémoire des soldats africains massacrés le 9 juin 1940.

Ces productions scolaires sur ces faits, réalisées sous forme numérique mais aussi matérielle, exploitent certaines ressources du Munaé, comme celles sur l'idéologie raciale répandue dans la première moitié du XXe siècle. Bertrand Lécureur note aussi que de tels projets pédagogiques ' ont déjà et également été menés concernant la première guerre mondiale, lors des commémorations de son centenaire.

Nota Bene :

L'exposition « Histoire d'hier dans les mains d'aujourd'hui. Des élèves rouennais présentent le massacre du 9 juin 1940 » est présenté au Munaé du 28 juin au 15 juillet, et sur son site Internet. Celui-ci permet aussi une visite virtuelle de la récente exposition « Les Enfants de la Résistance. Etre jeune en 39-45 ». A partir du 18 décembre, le musée proposera l'exposition « Soixante-quinze ans d'enseignement de la seconde guerre mondiale (194 5-2020) ».

Source : www.lemonde.fr


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